Contes II by Mirbeau Octave

Contes II by Mirbeau Octave

Auteur:Mirbeau, Octave [Mirbeau, Octave]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Le lièvre

Ses outils sur l’épaule, Jean revenait des champs où, toute la journée, il avait durement travaillé. Il entra triomphalement dans la cour de la ferme, tenant dans ses mains quelque chose qui gigotait. Il commençait à faire nuit, on ne distinguait plus nettement les objets.

– Qu’est-ce que tu as là ? demanda le maître, qui se lavait les mains à la pompe.

– C’est un petit lièvre que j’ai pris dans la haie du Clos-Sorbier ! répondit Jean.

– Sacré Jean ! fit le maître !... Et qu’est-ce que tu veux en faire de ce lièvre ?... Il est trop petit !

– Je veux l’élever, donc ! Et il demanda :

– Vous me permettez bien, dites, le maître, de mettre mon petit lièvre dans le clapier, à côté des lapins... et de tirer une goutte de lait, le matin, pour le faire boire ?

– C’est la maîtresse que ça regarde, mon garçon !

– Oh ! la maîtresse voudra bien !

Pierre, sous le hangar, dételait les chevaux... Il murmura d’une voix mauvaise :

– Pardi !... Il rapporterait le loup-garou, ou bien la gitane, qu’on le remercierait encore, ce chameau-là !... Si c’était moi... Ah ! malheur !

Il bourra ses chevaux, et lança un gros juron...

– Allons ! fit le maître... voilà que Pierre est encore jaloux. Tais-toi, animal... Tu sais que je n’aime pas ça... et que je commence à en avoir assez de tes manières...

Pierre s’exaspéra, et, d’un ton aigre :

– Mes manières !... Je dis une chose juste... et vous ne me faites pas peur !

Le maître haussa les épaules et ne répondit pas. Et tandis que Pierre continuait de maugréer, sous le hangar, il entra dans la maison, où la soupe du soir attendait, fumante, sur la table. Pierre ne tarda pas à venir, ayant rentré ses chevaux à l’écurie. Jean vint ensuite, ayant disposé un coin vide du clapier, pour son petit lièvre. Le repas fut silencieux. Pierre avait un air farouche, avec sa face plate, sa courte barbe rousse et ses yeux obliques, il ressemblait à un tigre... Jean, le visage très doux, rêvait aux gentillesses des petites bêtes, comme un enfant... Et quand ils gagnèrent leur lit, Pierre s’approcha de Jean, et lui dit, très bas, les dents serrées :

– C’est encore à cause de toi que j’ai des avanies... Je te ferai ton affaire, tu verras.

Et Jean, très calme, répondit !

– Je ne te crains pas.



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